Les biotechnologies ont permis depuis de nombreuses années de cultiver in vitro des clones de lymphocytes B spécifiques de tous les antigènes possibles et imaginables. Les anticorps, dits monoclonaux, ont d’abord été utilisés dans le domaine de la biologie et du diagnostic. Ce n’est que récemment que l’on a commencé à les utiliser à des fins thérapeutiques. Ces anticorps thérapeutiques ont des noms assez exotiques qui se terminent toujours par « mab » et vetmab pour ceux à usage vétérinaire (tableau).
Ces biothérapies ont révolutionné le traitement des cancers et des maladies inflammatoires chronique, chez l’homme. En allergologie, les anti-IgE ont trouvé leur place dans le traitement de syndromes particuliers et plus récemment le dopilumab offre des perspectives très intéressantes dans le traitement de la DAH. Chez le chien, nous en sommes aux premiers mois de cette pratique avec l’anti-IL31 et l’anti-NGF.
S’agissant de molécules naturelles dans l’organisme, leur innocuité est remarquable et ils peuvent être administrés à tout âge, en association avec tout médicaments et quel que soit l’état pathologique du patient.
Tableau : anticorps monoclonaux (Acm) thérapeutiques chez l’homme et le chien (en gras ceux ayant un intérêt prouvé ou potentiel dans le traitement de la DA)
Cible | Acm à usage humain | Acm à usage canin | Type d'Ac pour le chien |
IgE | Omalizumab, Ligelizumab | En cours de développement | Chimérique |
TSLP | Tezepelumab | - | - |
IL-5 | Mepolizumab | - | - |
IL-6 | Tocilizumab | - | - |
IL-33 | - | - | - |
R IL4 | Dupilumab | - | - |
IL-13 | Lebrikizumab, tralokinumab | - | - |
IL-17 | Secukinumab | - | - |
IL-12 & 23 | Ustekinumab | - | - |
IL-22 | Fezakimumab | - | - |
IL-31 | Nemolizumab | Lokivetmab | Caninisé |
NGF | - | Ranevetmab | Caninisé |
LFA-1 | Efalizumab | - | - |
TNFa | Adalimumab, certolizumab, étanercept, golimumab, infliximab | En cours de développement | Caninisé |
Anti-IL31
Un anticorps monoclonal caninisé anti-IL-31 canine (lokivetmab) a été récemment commercialisé aux États-Unis. Les essais préliminaires ont montré son efficacité dans des modèles expérimentaux d’induction du prurit par l’IL-31 chez des beagles, avec un contrôle proche de 90 %. Cet effet perdure 3 à 4 semaines, puis disparaît progressivement jusqu’à 9 semaines. Les essais de terrain versus placebo ont confirmé cette efficacité sur le contrôle du prurit, avec une réduction dès 24 h de 2 points des scores de prurit (sur une échelle de 10) et un effet qui perdure 4 semaines. L’effet sur les scores lésionnels est plus lent et moins spectaculaire, avec une réduction moyenne de 50 % culminant à 40 jours.
L’innocuité d’un tel produit est remarquable, s’agissant d’une molécule non étrangère à l’organisme. Toutefois, les effets au long cours sur le système immunitaire sont inconnus.
La posologie est d’une injection SC d’a minima 2 mg/kg, le produit se présentant sous la forme d’un soluté injectable en flacons de 10, 20, 30 et 40 mg. C’est une dose minimale, il ne faut donc pas hésiter à viser une fourchette haute lorsque la première injection est peu efficace ou pas efficace assez longtemps. Selon les animaux, la fréquence des injections peut varier de 3 à 6 semaines.
L’indication de cet anticorps, étant donné sa cible, est le contrôle du prurit lors de poussée de DAC. Aujourd’hui, la plupart des utilisateurs ne font qu’une injection (données VetDerm list, avril 2016), bien que les données des essais cliniques montrent qu’il est possible de l’utiliser sans inconvénient et sans perte d’efficacité en une injection par mois.
Anti-IgE
Les Acm anti-IgE, pour être efficaces, doivent être capables d’inhiber la fixation des IgE sur les récepteurs de haute affinité, sans se lier aux IgE déjà fixées sur les mastocytes. Des Acm chimériques anti-IgE ont été produits et essayés sur des chiens artificiellement sensibilisés aux acariens de la poussière de maison. Ils permettent une réduction des réactions aux IDR et une baisse de la concentration plasmatique en IgE. À notre connaissance, aucun essai clinique n’a été publié à ce jour.
Anti-NGF
Chez le chien, le NGF a surtout été étudié dans le cadre de la douleur et un anticorps monoclonal caninisé anti-NGF (ranevetmab) s’avère très efficace comme antalgique. Pour la DAC, les études viennent à peine de commencer et un premier essai clinique ouvert avec le ranevetmab s’est avéré très décevant. Les études vont se poursuivre pour peut-être affiner les indications ou tenter d’autres protocoles.
Ces molécules sont des outils d’une grande souplesse et d’une grande efficacité dès lors que la cible est la bonne. Leur développement chez le chat offre aussi des perspectives très prometteuses.