La dermatite atopique est un véritable défi sur le plan de la recherche génétique. Voici l'état actuel des données publiées.
Une étude sur les races Labrador et golden retrievers aux Etats-Unis (1), en utilisant les données de 32 portées dont le statut clinique des géniteurs sont connus, montre que l’héritabilité de la DAC (entendue ici au sens clinique) est de 0,47.
Une étude prospective de suivi de WHWT aux Etats-Unis n’a pas permis de mettre en évidence, un mode d’héritabilité (2). Par contre, le phénotype IgE élevées après sensibilisation expérimentale serait transmissible sur un mode dominant (3), mais sans lien avec le développement d’une DAC clinique.
L’étude de lignées de chiens présentant des fortes réponses IgE totales spontanément ou lors de sensibilisation expérimentale serait transmise suivant un mode dominant (4). Toutefois, cette caractéristique est indépendante du développement de signes cliniques de DAC.
Une étude a été menée sur des chiens américains et hollandais sains ou ayant des IDR positives et une bonne réponse à la désensibilisation (pas de données sur le diagnostic clinique de DAC) (5). Les auteurs n'ont pas retrouvé de différence entre les deux groupes. Il n'existe pas de différence de concentration en IgE spécifiques et totales entre les deux groupes et aucun lien entre ces paramètres et le DLA n'est mise en évidence.
Les études de criblage génomique se sont avérées décevantes chez le West Highland whote terrier (WHWT) aux Etats-Unis. Ces études ont permis d’exclure une implication des gènes codant pour la filaggrine (FLG)(6) , tout comme celles menées en Australie . Par contre, un gène sur le même chromosome semble être un bon candidat chez le WHWT: PTPN2 (7). Cette protéine est une LYP impliquée dans de nombreuses voies de signalisation des lymphocytes, notamment au niveau des TCR.
Un autre candidat décelé lors des études de criblage se situe sur le chromosome 17 et code pour un cytochrome, la P450 26B1, qui est impliqué dans l’adipogenèse et les voies d’action des rétinoïdes. Il pourrait donc être impliqué dans défaut de métabolisme de la couche cornée et dans des défauts de barrière.
Dans une étude études portant sur plusieurs races, 13 SNP sont associés à la DAC, mais seulement 2 dans toutes les races (boxer, berger allemand, Labrador, retriever, Shiba inu, pit bull, shi tzu et WHWT) (8). Ils se trouvent sur les chromosomes 10 et 29. Les autres 11 SNPs laissent à penser qu’il existe des gènes candidats spécifiques à chaque race. Toutefois, le faible nombre d’animaux par race dans cette étude ne permet pas d’aller plus avant.
Le résultat le plus significatif a été obtenu en Suède chez le berger allemand. Un criblage génomique a permis de mettre en évidence sur le chromosome 27 le gène PKP2 dans cette race. Ce gène code pour la plakophiline 2, élément constitutif des desmosomes et donc de la barrière cutanée (9, 10).
Un criblage génomique effectué chez des Labrador en Grande Bretagne en se basant sur les taux d’IgE spécifiques d’acariens domestiques a mis en évidence une nette association d'un gène sur le chromosome 5 avec le taux d'IgE spécifiques d'Acarus siro et Tyrophagus sp (rien pour les autres allergènes testés) (11). La localisation de ce gène montre deux candidats mais dans une région qui n'est pas connue chez l'homme comme impliquée dans la réponse immunitaire humorale. Toutefois, cette zone est encore peu connue. Il est très surprenant de trouver un marqueur génétique d'une réponse à un acarien de stockage sans lien avec la réponse à d'autres acariens. Ceci est d'autant plus troublant que la spécificité même de la réponse IgE à Acarus n'est pas connue chez le chien, sans oublier le fait que cette sensibilisation est souvent sans aucun rapport avec la clinique.
Toujours en se basant sur les concentrations plasmatiques en IgE spécifiques une petite étude chez le WHWT a mis en évidence pour les IgE spécifiques de D. farinae l’implication d’un gène sur le chromosome 35 proche de CD83 (12). Ce dernier est impliqué dans les fonctions de présentation d'antigène aprété et dans réponse immunitaire humorale.
Enfin, tout récemment, une étude américaine a été faite sur un petit nombre de beagles issus d’une colonie de chiens à haut risque (13). Les auteurs ont recherché les variations pouvant caractériser les formes graves de la maladie au sein de cette colonie. Cinquante sept variants ont été retrouvés chez les seuls chiens ayant des formes graves et 61 uniquement dans les formes modérées. Ces gènes codent pour les kératines 1–4, 27 & 33A; Protéine de jonction serrée 2 Protein 2 (TJP2); Régulateur d’apoptose BCL2 et TRPV1. Ce travail ouvre des perspectives (enfin) intéressantes sur la voie à des thréapies ciblées pour les forms graves de la maladie.
Les études de gènes cibles sont basées sur les données de la DA humaine, associées aux études du transcriptome cutané ou des cellules mononuclées circulantes de chiens atopiques.
Deux d’entre elles ont permis d’isoler une vingtaine de gènes dont 7 impliqués dans la DA humaine et 3 sont corrélées au score CADESI : S100A8, SAA_1 et PKP2 et 4 autres aux résultats des tests intradermiques : CMA1, SAA-1, SPINK5 et S100A8 (14, 15). Tous ces gènes sont impliqués dans la genèse de couche cornée, l’inflammation cutanée ou les réponses immunitaires cellulaires.
D’autres études, sur le même principe, ont permis d’isoler 97 SNP sur 25 gènes, dont 6 significatifs pour la DAC, incluant 1 SNP sur le gène codant pour les récepteurs TSLP dans les 8 races étudiées (16). Les autres candidats donnaient des résultats variables selon les pays ou les races : FLG pour les Labradors en Grande Bretagne et INPPL1 et MS4A2 pour le Shiba inu au Japon.
In fine aucun gène de la DAC ne se dégage. La dermatite atopique canine une maladie polygénique complexe, dans laquelle l’effet d’un polymorphisme à lui seul est minime. Ce n’est que la conjonction de plusieurs qui conduit à l’expression d’un certain phénotype. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle, la DAc a été exclue d’une revue récente sur les dermatoses génétiques du chien (17).
Malgré tout, certains gènes ont fait l’objet de dépôts de brevets, comme par exemple PKP2, afin d’en faire un test de dépistage de la DAC dans certaines races.
Références
1. Shaw SC, Wood JLN, Freeman J, Littlewood JD, Hannant D. Estimation of heritability of atopic dermatitis in Labrador and Golden Retrievers. American Journal of Veterinary Research. 2004;65(7):1014-20.
2. DeBoer DJ, Hills PB. Serum immunoglobulin E concentrations in West Highland White Terrier puppies do not predict development of atopic dermatitis. Veterinary Dermatology. 1999;10:275-81.
3. de Weck AL, Mayer P, Stumper B, Schiessl B, Pickart L. Dog allergy, a model for allergy genetics. Int Arch Allergy Immunol. 1997;113(1-3):55-7.
4. Denburg JA, Inman MD, Wood L, Ellis R, Selhmi R, Dahlback M, et al. Bone marrow progenitors in allergic airways diseases: studies in canine and human models. Int Arch Allergy Appl Immunol. 1997;113:181-3.
5. Vriesendrop HM, Smid-Mercx BMJ, Visser TP, Halliwell REW, Schwartzman RM. Serological DLA typing of normal and atopic dogs. TransplProc. 1975;7:375-7.
6. Salzmann CA, Olivry TJ, Nielsen DM, Paps JS, Harris TL, Olby NJ. Genome-wide linkage study of atopic dermatitis in West Highland White Terriers. BMC Genet. 2011;12(1):37.
7. Barros Roque J, O'Leary CA, Kyaw-Tanner M, Duffy DL, Gharahkhani P, Volgenest L, et al. PTPN22 polymorphisms may indicate a role for this gene in atopic dermatitis in West Highland white terriers. BMC Res Notes. 2012;4(1):571.
8. Wood SH, Ke X, Nuttall T, McEwan N, Ollier WE, Carter SD. Genome-wide association analysis of canine atopic dermatitis and identification of disease related SNPs. Immunogenetics. 2009;61:765-72.
9. Tengvall K, Kierczak M, Bergvall K, Olsson M, Frankowiack M, Farias FHG, et al. Genome-Wide Analysis in German Shepherd Dogs Reveals Association of a Locus on CFA 27 with atopic dermatitis. PLoS Genet. 2013;9(5):e1003475.
10. Tengvall K, Kozyrev S, Kierczak M, Bergvall K, Farias FH, Ardesjo-Lundgren B, et al. Multiple regulatory variants located in cell type-specific enhancers within the PKP2 locus form major risk and protective haplotypes for canine atopic dermatitis in German shepherd dogs. BMC Genet. 2016;17(1):97.
11. Owczarek-Lipska M, Lauber B, Molitor V, Meury S, Kierczak M, Tengvall K, et al. Two Loci on Chromosome 5 Are Associated with Serum IgE Levels in Labrador Retrievers. PLoS One. 2012;7(6):e39176.
12. Roque JB, O'Leary CA, Duffy DL, Kyaw-Tanner M, Gharahkhani P, Vogelnest L, et al. Atopic dermatitis in West Highland white terriers is associated with a 1.3-Mb region on CFA 17. Immunogenetics. 2011;64:209-17.
13. Craig N, Munguia N, Wilkes R, Ahrens K, Brooks S, Marsella R. Candidate genetic polymorphisms associated with mild or severe atopic dermatitis identified using whole genome sequencing and comparative genomics in a closely related colony of atopic laboratory beagles. Vet Dermatol. 2022:293.
14. Wood SH, Clements DN, Ollier WE, Nuttall T, McEwan NA, Carter SD. Gene expression in canine atopic dermatitis and correlation with clinical severity scores. J Dermatol Sci. 2009;51:27-33.
15. Merryman-Simpson AE, Wood SH, Fretwell N, Jones PG, McLaren WM, McEwan NA, et al. Gene (mRNA) expression in canine atopic dermatitis: microarray analysis. Vet Dermatol. 2008;19(2):59-66.
16. Wood SH, Ollier WE, Nuttall T, McEwan NA, Carter SD. Despite identifying some shared gene associations with human atopic dermatitis the use of multiple dog breeds from various locations limits detection of gene associations in canine atopic dermatitis. Vet Immunol Immunopathol. 2010;138(3):193-7.
17. Leeb T, Roosje P, Welle M. Genetics of inherited skin disorders in dogs. Vet J. 2022;279:105782.
Illsutration : Manu I ED-H I, ©Poulot éditions