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Prévention de la DAC

La dermatite atopique est typiquement une maladie chronique multifactorielle dont l’expression dépend d’interactions entre l’environnement et le génome. Des mesures préventives peuvent être mises en place en se basant sur les données reconnues de la pathogénie.

Détection précoce

Une étude écossaise sur des chiens guides d’aveugle a montré que l’on peut faire une détection précoce en se basant sur la survenue des symptômes suivants (les otites ne sont pas un facteur pronostic) (1): - pyodermite récidivante - érythème - squamosis - pododermatite - engorgement des glandes anales - conjonctivite. Un animal présentant 4 épisodes d’une de ces affections avant l’âge de 15 mois devrait être exclu du travail. Curieusement, dans cette étude les otites n’étaient pas un signe précurseur du développement d’une dermatite atopique à l’âge adulte.
On peut toutefois, en se basant sur les signes cliniques classiques de la maladie et les résultats de cette , de mettre en garde un propriétaire de chien dès que son animal présente des signes débutant de pododermatite, d’otite, de chéilite ou d’anite, un érythème des grands plis, une pyodermite superficielle ou un engorgement des glandes anales au plus jeune âge.

Sélection génétique

Les bases génétiques de la DAC, même si elles sont multiples et complexes (2), demeurent évidentes chez le chien tant les prédispositions raciales sont caricaturales, voire des expressions phénotypiques propres à certaines races (3). Par conséquent, écarter les grands atopiques de la reproduction paraît être une évidence, qu’il est encore difficile à faire admettre, même au sein des races les plus atteintes : terriers, bouledogues par exemple.

Alimentation

Il pourrait être tentant chez les chiots de race à risque de proposer une alimentation partiellement hydrolysée dès le plus jeune âge. Cela permettrait de limiter le risque de sensibilisation digestive. Il n’existe toutefois aucune donnée sur ce sujet et de telles recommandations sont abandonnées aujourd’hui en médecine humaine (seuls les laits hydrolysés sont utilisés chez les bébés allergiques, mais pas à titre préventif).
Une étude épidémiologique rétrospective suédoise chez plusieurs chiens assurés de races à risque (boxer, bull terrier et West Highland white terrier) montre une moindre prévalence de la DAC chez les chiens issus de chiennes nourries avec au moins partiellement un aliment ménager (4). Toutefois, il peut exister des biais non pris en compte : les propriétaires de chiens atopiques pourraient être plus motivés que ceux des chiens témoins pour participer à l’enquête, tout comme ceux préparant une alimentation ménagère. Si ces biais existent, alors les données sont différentes et l’alimentation ménagère n’est plus un facteur favorisant (5).
Plus récemment une étude prospective en double aveugle portant sur des portée de chien de race Labrador a montré que l’adjonction de différents nutraceutiques (nicotinamide, pantothénate, histidine, inositol et choline) à une alimentation déjà enrichie en acides gras chez la mère durant les 5 dernières semaines de gestation puis chez les chiots durant un an permet de limiter significativement le développement d’une DAC à l’âge adulte (animaux suivis 4 ans) : 10/33 cas pour la placebo, contre 2/24 pour le verrum. Ces nutraceutiques avaient démontré in vitro leur intérêt dans la restauration de la barrière cutanée, ce qui peut expliquer cet effet protecteur assez spectaculaire. D’autres études dans d’autres races sont nécessaires sont nécessaires, mais ces résultats sont très encourageants.
Il n’existe aucune étude sur l’intérêt en médecine préventive des acides gras polyinsaturés chez le chien atopique. Leur administration permet toutefois d’améliorer la fonction de barrière et de réduire les pertes insensibles en eau (6, 7). Il semble donc raisonnable de recommander une alimentation de bonne qualité enrichie en acides gras essentiels (8).

Probiotiques

Une seule étude (en double aveugle contre placebo) sur l’utilisation des probiotiques a été publiée à ce jour. Elle se base sur un couple de chiens aisément sensibilisables et présentant une forme grave de la maladie. Ces animaux ont données deux portées à un an d’intervalle. Durant la gestation de la première portée des probiotiques (fortes doses d’une préparation de lactobacilles à usage humain) ont été administrés à la mère durant la gestation et la lactation, puis après sevrage durant 6 mois aux chiots. Lors de la seconde gestation et pour la seconde portée un placebo était utilisé à la place des probiotiques. Lors des provocations initiales les chiens traités présentaient une forme moins grave de la maladie (9). Trois ans plus tard il en était de même, mais tous les animaux présentaient une DAC (10).
Nous sommes loin des études de médecine humaines, prospectives, à grande échelle, incluant des milliers de patients (11) et ces résultats sont finalement assez décevants.
Récemment, dans une étude ouverte rétrospective chez des chiens sains, le léchage des doigts est moins fréquent chez les animaux ayant pris des probiotiques (12). On ne peut hélas rien conclure d’une telle observation.
Même s’il existe des arguments théoriques, on ne peut donc pas recommander aujourd’hui chez le chien le recours préventif à des probiotiques, même à forte dose.

Traitement des infections cutanées

Le traitement préventif des infections cutanées est possible en évitant le recours aux antibiotiques afin de ne pas accroitre le risque de résistance. Chez les chiens à risque ou présentant des signes avant-coureurs de la maladie, il pourrait être intéressant d’effectuer des désinfections régulières (deux fois par semaine) des zones à risque ou des sources de contaminations : plis, lèvres, oreilles, marges anales. On peut utiliser pour les oreilles des nettoyant désinfectants et asséchants (éviter les produits qui entretiennent une macération) et pour les plis et zones périorificielles des gels, lingettes ou spray à base de chlorhexidine. De même lorsqu’une antibiothérapie est nécessaire, on peut tenter de réduire sa durée en associant des topiques anti-infectieux.
Limiter le recours aux antibiotiques permet aussi en théorie, chez le jeune animal, de ne pas altérer le microbiote digestif ou cutané et ainsi limiter les risques de développement d’une DAC.

Soins hygiéniques

Les anomalies de barrière étant la pierre angulaire de la DAC, les soins hygiéniques sont primordiaux : brossage quotidien (brosses adaptées au type de pelage), nettoyage quotidien des plis, soins auriculaires hebdomadaires lors de production excessive de cérumen, utilisation d’émollients après chaque shampooing. Chez les chiens à poils durs, l’épilation n’est pas contre-indiquée tant qu’il n’existe aucune inflammation cutanée. Dans le cas contraire, la tonte sera la règle.

Prévenir les expositions à des aéroallergènes

Les principaux allergènes sensibilisants chez le chien atopique sont les acariens domestiques (13). On peut limiter les contacts avec les acariens de stockage en conservant les aliments industriels secs dans un lieu sec et frais, le moins longtemps possible(14-16). En effet, ces aliments sont très rapidement contaminés par des acariens de stockage qui peuvent agir comme allergène sensibilisant ou comme facteur de poussée(17).
Les acariens de la poussière présents dans la panière représentent un défi difficile à relever. On peut conseiller de nettoyer toutes les couvertures sur lesquelles se couche le chien à au moins 60°C, voire de changer régulièrement le panier de repos et effectuer des passage d’aspirateur quotidien avec un aspirateur équipé de filtre HEPA. Les paniers anti-acariens pour chien sont simplement des paniers imprégnés d’insecticides et sont donc sans intérêt.

Traitements anti-puces

Les puces pouvant exacerber toute réaction allergique, un traitement rigoureux est indispensable tout au long de la vie chez les animaux à risque(8). On privilégiera les traitements systémiques comme les spinosines et les isoxasolines.
Ces quelques lignes sur le traitement APE sont peut être l’élément le plus important de la prévention de la DAC avec l’alimentation. En effet, de nombreux chiens atopiques connaissent une première poussée lors d’une infestation par des puces(18). Le travail de communication est donc essentiel pour passer au-delà de la sempiternelle « il n’a pas de puces, je le verrais dans ces poils blancs » ou le fameux « il ne peut pas avoir de puces, il ne va pas dehors ». Il est fréquent que le plus clair d’une consultation pour un chien atopique passe à lutter contre les idées reçues et justifier ces traitements élémentaires. Cet effort est primordial, parce qu’il est inutile de mettre en place des soins hygiéniques voire des traitements médicaux au long cours si le traitement antipuces n’est pas fait correctement.

Conclusion

La meilleure des préventions est de ne pas adopter un chien de race à risque !

A défaut, en attendant les premiers signes, les deux principales mesures à prendre en pratique sont la prescription d’un traitement anti-puces perannuel et d’une alimentation enrichie en acides gras essentiels, voire en complexes nutraceutiques renforçant la barrière cutanée.

Références :

1. Fraser MA, McNeil PE, Girling SJ. Prediction of future development of canine atopic dermatitis based on examination of clinical history. J Small Anim Pract. 2008;49(3):128-32.
2. Nuttall T. The genetics of canine atopic dermatitis. In: Noli C, Foster AP, Rosenkrantz W, editors. Veterinary Allergy. Chichester: Wiley Blackwell; 2014. p. 32-41.
3. Prélaud P. Dermatite atopique : particularités raciales. Prat Med Chir Anim Comp. 2001;36:301-7.
4. Nodtvedt A, Egenvall A, Bergvall K, Hedhammar A. Incidence of and risk factors for atopic dermatitis in a Swedish population of insured dogs. Vet Rec. 2006;159(8):241-6.
5. Dohoo. Bias - Is it a problem, and what should we do? Preventive Veterinary Medecine. 2013;113:331– 7.
6. Nishifuji K. Skin barrier and its role in the pathophysiology of atopic dermatitis. In: Noli C, Foster AP, Rosenkrantz W, editors. Veterinary Allergy. Chichester: Wiley Blackwell; 2014. p. 42-50.
7. Popa I, Pin D, Remoue N, Osta B, Callejon S, Videmont E, et al. Analysis of epidermal lipids in normal and atopic dogs, before and after administration of an oral omega-6/omega-3 fatty acid feed supplement. A pilot study. Vet Res Commun. 2011;35(8):501-9.
8. Olivry T, Deboer DJ, Favrot C, Jackson HA, Mueller RS, Nuttall T, et al. Treatment of canine atopic dermatitis: 2010 clinical practice guidelines from the International Task Force on Canine Atopic Dermatitis. Vet Dermatol. 2010;21(3):233-48.
9. Marsella R. Evaluation of Lactobacillus rhamnosus strain GG for the prevention of atopic dermatitis in dogs. Am J Vet Res. 2009;70(6):735-40.
10. Marsella R, Santoro D, Ahrens K. Early exposure to probiotics in a canine model of atopic dermatitis has long-term clinical and immunological effects. Vet Immunol Immunopathol. 2012;146(2):185-9.
11. Pelucchi C, Chatenoud L, Turati F, Galeone C, Moja L, Bach JF, et al. Probiotics Supplementation During Pregnancy or Infancy for the Prevention of Atopic Dermatitis: A Meta-analysis. Epidemiology. 2012;23:402-14.
12. Stetina K, Griffin C, Marks SL, editors. Owner perception of pruritic behaviours in apparently healthy dogs: a survey-based approach. NAVDF; 2015.
13. Prélaud P. Allergens and environmental influence. In: Noli C, Foster AP, Rosenkrantz W, editors. Veterinary Allergy. Chichester: Wiley Blackwell; 2014. p. 24-31.
14. Gill C, McEwan N, McGarry J, Nuttall T. House dust and storage mite contamination of dry dog food stored in open bags and sealed boxes in 10 domestic households. Vet Dermatol. 2011;22(2):162-72.
15. Canfield MS, Wrenn WJ. Tyrophagus putrescentiae mites grown in dog food cultures and the effect mould growth has on mite survival and reproduction. Vet Dermatol. 2010;21(1):57-62.
16. Brazis P, Serra M, Selles A, Dethioux F, Biourge V, Puigdemont A. Evaluation of storage mite contamination of commercial dry dog food. Vet Dermatol. 2008;19:209-14.
17. Marsella R, Saridomichelakis MN. Environmental and oral challenge with storage mites in beagles experimentally sensitized to Dermatophagoides farinae. Vet Dermatol. 2010;21(1):105-11.
18. Prélaud P. Allergologie canine. Paris: Masson-PMCAC; 2008. 168 p.

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