L’année 2021 a marqué les 80 ans de la dermatite atopique canine (1), les 10 ans du blog dermatiteatopiquecanine.org et la création (enfin !) d’un site consacré à la maladie pour informer et former les propriétaires d’animaux atopiques (dermatiteatopiquecanine.com).
Cette année a été riche encore une fois (environ 900 items sur Google Scholar, 77 sur PubMed) avec notamment l’extension des omiques, des études sur l’influence de l’alimentation ou bien de meilleures connaissances sur l’IL31. Pas de révolution thérapeutique, mais une douce avancée vers une autre façon de prendre en charge nos patients.
Les progrès amenés par notre expérience des inhibiteurs de janus-kinases et des anticorps monoclonaux anti-IL31 ont poussé l’ISAD (International Society of Atopic Dermatitis) à organiser à l’automne un séminaire en ligne de dermatologie comparée avec le gratin de la dermatite atopique humaine et canine. Une première, qui sera probablement renouvelée l’an prochain à Montréal.
Les finlandais sont très attachés à l’étude de l’alimentation ou de l’environnement comme facteur de risque de développement de la DAc(2). En fait ces études se multiplient parce qu’ils ont mis en place des recueils de données très riches (DogRisk food frequency questionnaire), ce qui permet d’effectuer a posteriori des études de facteurs de risque. Le principe est de rechercher une corrélation entre l’existence d’une dermatite atopique chez l’adulte et les prises de certains aliments ou d’un type d’alimentation pendant sa vie de chiot, de 2 à 6 mois (3).
Cette influence apparente de l’alimentation est cohérente avec les possibles influences sur le microbiote ou les régulations épigénétiques par les aliments.
Dans l’étude publiée dans le JVIM (3) plusieurs éléments de l’alimentation du chiot sont associés à une moindre fréquence de développement d’une DAc :
- Introduction d’aliments crus (ex : tripes crues ou carcasse une fois par an)
- Reliefs de repas humains
- Moins de 80% de croquettes
- Huiles de poisson une fois par an (sic)
Ne nous emballons pas. Si les différences sont significatives, elles sont toutefois minimes et en aucun cas on ne peut conclure d’une telle étude qu’agir sur l’alimentation (tripes crues, alimentation ménagère…) d’un chiot est justifié pour limiter le risque de développement d’une DAc. Les taux d’incidence varient significativement mais les variations sont très limitées (ex : 60% des non atopiques n’ont pas mangé de tripes crues, alors que 55% des chiens atteints de DAc en ont mangé…). D’autre part, les biais de ce type d’études sont tels, que si l’on en tient compte (ex : meilleure motivation des propriétaires préparant des aliments) il n’existe plus aucun différence(4)…
Plus exactement on peut décomplexer les propriétaires d’animaux à risque : donner de temps en temps ou souvent des restes de repas est sans risque !
Couleur de la robe
Dans cette même étude, on notera que sur les 4022 animaux sélectionnés 1158 ont développé une dermatite allergique, soit près de 30 % (la moitié dans des races non-prédisposées) ! Parmi ces animaux, 22% sont presque complètement blancs, 25% sont 50-90% blancs et les autres ont une robe comportant moins de 50% de blanc(3).
Carlins
Dans une vaste étude rétrospective sur des carlins malades vus en consultation dans une école vétérinaire indienne, la moitié des cas sont ont des problèmes dermatologiques. Sans surprise, comme sur notre vieux continent, les affections les plus fréquentes sont les pyodermites (34%), les ectoparasitoses et surtout la dermatite atopique (30%). Contrairement à une étude australienne montrant une nette sur-représentantion des carlins mâle, dans cette étude indienne les chiennes sont plus souvent atteintes de DA que les mâles. Peut être que, comme dans toutes les autres races, il n’y a pas de prédisposition de sexe… Les formes cliniques de la DAc dans cette race sont dans cette étude, comme dans notre expérience, des formes classiques ou mineures, avec une grande fréquence d’infections staphylococciques ou à Malassezia.
Cavalier King Charles
Il est de ces sujets peu nobles et pourtant terriblement impactants au quotidien, comme l’engorgement des glandes anales du chien. Une étude britannique faite dans 101 établissements vétérinaires sur plus de 100000 chiens permet d’éclairer d’un jour nouveau ce sujet capital et glandulaire(5).
Cet engorgement des glandes anales concerne en moyenne 4,4% des chiens, mais avec une nette sur représentation des King Charles et cavaliers King Charles (prévalence de 15%), mais aussi des bichons, cockers, shi tzus, caniches et spoodles.
Les brachycéphales et les spaniels en général sont plus atteints, tout comme les animaux en surpoids.
Certains vétérinaires (8 %) proposent des changement de régime (pour des étrons plus volumineux ?) ou des cures amaigrissantes (1 %)
Les auteurs notent que le prurit anal chronique en provoquant une lichénification entraine une gène à la vidange et un engorgement des cas anaux. Par conséquent la DAc, principale cause de prurit anal, pourrait être une des causes, mais les auteurs écartent cette hypothèse estimant à tord que les cavalier King Charles ne sont pas prédisposés à la dermatite atopique (100% des cas vus en consultation de dermatologie dans cette race dans notre expérience !).
Interleukine 31
L’IL31 occupe une place centrale dans genèse du prurit lors de DAc, mais malgré le développement de médicaments ciblant cette cytokine depuis plusieurs années, on sait assez peu de choses de la place de celle-ci dans l’inflammasome de la DAc au cours du temps, ni sur les sources de synthèse ou la localisation des récepteurs.
Dans une étude récente présentée au printemps au congrès américain de dermatologie vétérinaire et paru dans la revue Veterinary Dermatology, certains de ces aspects sont aujourd’hui plus clairs, même s’il s’agit d’un travail fait sur 4 animaux de laboratoire et que des variations sont possibles selon les phénotypes de DAc (6).
Après provocation par l’application d’un patch d’extrait allergénique d’acariens de la poussière, les auteurs observent une augmentation régulière de la concentration plasmatique en IL31 chez 3 des 4 chiens. Celle-ci n’est ni corrélée au score lésionnel ni à l’expression de l’IL31 dans la peau.
Dans le derme et l’épiderme, le pic d’expression de l’IL31 est observé dès 24h et culmine à 48h pour redescendre ensuite, sans corrélation avec la gravité des lésions.
Les immunomarquages ont permis d’identifier clairement comme source les cellules Th2, mais aussi, ce qui est beaucoup plus surprenant, les glandes sébacées
Cette technique a permis de mettre en évidence des récepteur au niveau de la membrane des kératinocytes et sur des fibres nerveuses.
Pour les auteurs la précocité et la fugacité de la réponse IL31 justifient grandement le traitement proactif avec un anticorps monoclonal anti-IL31. En empêchant l’IL31 d’agir initialement on bloque tout ou partie de la poussée. Par contre, en agissant plus tard quand le chien se gratte déjà ou qu’il existe des lésions, le traitement est moins efficace et le recours à des anti-inflammatoires ayant un spectre plus large est plus indiqué.
Il est donc essentiel de ben expliquer le caractère proactif d’un tel traitement et ne pas traiter à la survenue de chaque crise
Autres cytokines
Les données sur le rôle des cytokines dans la genèse ou l’entretien de l’inflammation lors DAc sont assez parcellaires et le plus souvent issues de modèles expérimentaux. Une étude sur des chiens sains et « naturellement » malades, en crise et hors crise, a exploré les synthèses locale d’IL17, 22 et 31 et l’expression de leurs récepteurs(7).
Curieusement, les auteurs ne retrouvent aucune différence entre les 3 groupes de chiens. Cela est peu surprenant pour l’IL17 surtout impliquée dans la phase aigue ou dans les dermatites de contact. C’est aussi peu sur prenant pour l’IL31 dont l’expression est très précoce lors d’une poussée (ubi supra). Toutefois, dans les études expérimentales l’expression de base est généralement plus élevée chez les chiens atopiques même hors crise. Quant à l’IL22, théoriquement impliquée dans la phase chronique et celle d’épaississement cutané, les résultats sont plus surprenants, même si globalement son expression et celle de récepteurs est supérieure à celle des autres cytokines.
On a donc de nouveaux outils d’exploration, mais le flou reste complet sur le rôle de ces cytokines dans la genèse ou l’entretien des lésions de dermatite atopique canine
Et encore d'autres cytokines
Une étude australienne faite sur des chiens naturellement atopiques et sensibilisés aux aéroallergènes montre une augmentation plasmatique significatives de cytokines jusque là peu étudiées dans cette maladie : CXCL8, IL-7 et IL-15 (et GM-CSF chez les Staffordshire bull terriers et apparentés). On ignore l’implication que pourraient avoir ces cytokine dans le genèse de l’inflammation de la DAc. Par contre, la spécificité des Staffies montre à quel point il existe des phénotypes et probablement des génotypes de la maladie variables selon les races(8)
Lipidome
La dermatite atopique est avant tout un syndrome aux causes multiples, parmi lesquelles un dysmétabolisme des lipides est possible, ceux-ci étant impliqués dans l’intégrité de la barrière cutanée et dans la régulation de l’inflammation.
Une étude récente a expliré sur cette hypothèse en étudiant le lipidome plasmatique et épidermique de chiens atopiques en le comparant à ceux de chiens sains(9).
A l’image des microbiomes, on observe en peau lésée des chiens atopiques une simplification spectaculaire de la composition en lipides. D’autre part, une réponse positive aux interventions thérapeutiques (oclacitinib ou lokivetmab) est associée, entre autres, à une augmentation de la concentration en acylcarnitine CAR(12:1;O) et une diminution de celle en sphingosine SPB(18:1;O2). Il existe de grandes variations selon le sexe chez les chiens atopiques, notamment pour les concentrations de sphingolipides et d’esters de cholestérol. Au niveau plasmatique des différences très significatives sont aussi décrites.
On est au début de ces études, dont le but est avant tout de définir des biomarqueurs (empruntes lipidomiques) susceptibles de décrire des endotypes spécifiques ou d’apporter un moyen de suivi thérapeutique.
De nombreuses études sont à venir n’en doutons pas, étudiant notamment l’influence des races ou de l’alimentation, éléments de stratification faisant cruellement défaut dans cette énorme étude.
En attendant, les auteurs n’hésitent pas à imaginer que ces résultats sont une preuve que la DAC est une maladie générale, pour ne pas dire métabolique. C’est peut-être aller un peu vite, les comorbidités de la DAC n’étant pas les mêmes que chez l’homme (pas de maladies cardiovasculaires) et les anomalies observées pouvant être tout autant les conséquences qu’une cause la maladie. A suivre…
Traitements influençant les mesures d’IgE spécifiques d’allergènes
Une étude ambitieuse a été faite aux Etats-Unis à partir de 211 animaux ayant eu à la fois des intradermoréactions et des dosages d’IgE spécifiques d’allergènes. Elle montre que la saison de réalisation des tests n’a pas d’influence sur les résultats. Par contre, pour la première fois, une étude montre l’influence de la ciclosporine et du lokivetmab sur les résultats des mesures IgE spécifiques plasmatiques. La première les minore de façon dose dépendante et rapidement, le second indépendamment de la dose(10).
Anticorps anti-CCD
Le traitement des sérums avec un procédé éliminant les anticorps anti-CCD n’améliore pas la corrélation entre les résultats des IDR et des IgE spécifiques pour les acariens. Il change par contre radicalement pour les pollens, ce qui est logique et attendu, les CCD étant plus l’apanage des allergènes (10).
Allergènes alimentaires
On a longtemps pensé que si un chien est allergique à la viande de bœuf il suffit de lui donner de la viande blanche pour qu’il guérisse. C’est ainsi que ce sont développés des régimes dis à base de protéines sélectionnées (agneau, saumon et même cheval, kangourou, autruche ou sanglier). La poésie toute cartésienne et colorée de cette approche n’a pourtant aucune base scientifique et les récentes études sur les chiens spontanément allergiques ou artificiellement sensibilisés au poulet viennent définitivement enterrer cette coutume. Dans une étude faite à partir de sérums de chiens présentant une hypersensibilité au poulet 7 allergènes majeurs de la viande de volaille déjà connus chez l’homme ont identifiés. Ce sont des allergènes retrouvés aussi dans des viandes de mammifères ou de poisson (homologie > 85%)(11).
Allergie vaccinale et caséine
L’allergie aux produits laitiers ou aux protéines d’origine bovine est liée aux allergies vaccinales chez le chien, comme l’ont démontré plusieurs équipes nippones par le passé (les japonais ne produisant pas de vaccins pour chiens, ils sont les auteurs les plus prolixes sur les allergies vaccinales) (12-15). Une équipe japonaise a effectué un nouveau travail sur l’identification des allergènes du lait de vache chez les chiens présentant des allergies alimentaires à manifestations cutanées. Ils retrouvent des taux élevés d’IgE spécifiques du lait de vache chez 29% de ces animaux ! (16). L’étude de ces sérums montre que les deux principaux allergènes sont la caséine et la BSA (sérum albumine bovine). Les autres composants ne sont pas des allergènes majeurs au sens propre, mais ils sont reconnus par un tiers de ces animaux : α-lactalbumine, β-lactoglobuline, immunoglobulines G. Ces résultats sont assez cohérents avec ce qui avait été décrit auparavant dans des systèmes IgE ou IgG qui avaient identifié comme allergènes majeurs la caséine, la BSA et les chaines lourdes des immunoglobulines G (12-15, 17). Pour les auteurs de cette nouvelle étude, cette sensibilisation à la caséine peut être une cause d’allergie vaccinale, certains vaccins contenant des hydrolysats de caséine comme conservateur. Ils le démontrent en mettant en évidence une réaction des sérums contenant des IgE anti-caséine avec les vaccins utilisant des hydrolysats de caséine comme conservateur.
Nouveaux allergènes de Dermatophagoides farinae
Alors que l’on croyait l’affaire entendue avec peu d’allergènes majeurs et grossièrement Der f 2 en Asie et Der f 15 en Europe, une publication taiwanaise vient (modestement) jeter le trouble(18).
En comparant les sérums de chiens non atopiques et atopiques présentant des IDR positives ou négatives à Df, ils ont mis en évidence une longue liste d’allergènes majeurs reconnus par plus de la moitié des chiens atopiques présentant des IDR positives à Df :
- Der f 28
- Der f 10
- Der f 3
- Der f 20
- Der f 32
- Der f 2 recombinant
- 3 protéines non identifiées
Curieusement, Der f 15 est ici un allergènes mineur, reconnu par seulement un tiers des chiens atopiques à tests positifs et 42% des atopiques à tests négatifs.
A lire les résultats de cette étude on a l’impression soit qu’il s’agit d’un vaste capharnaüm, soit que seul Der f 2 est digne de développement.
Le fait est que la bataille commerciale à venir sur ces allergènes majeurs promet avec probablement des laboratoires asiatiques faisant la promotion de Derf2 assez facile à produire et des laboratoires occidentaux se lançant dans la production de Derf15 recombinant.
Toutefois, une autre conclusion de cette étude pourrait être que le choix de l’allergène recombinant thérapeutique n’est pas le choix le plus judicieux tant dans le domaine diagnostique que thérapeutique. En effet, si le panel de sensibilisation des chiens atopiques est aussi varié et pas dominé de façon écrasante par un allergène majeur, il est préférable de se tourner vers une standardisation des allergènes à l’ancienne. Celle-ci devra plutôt se faire in vivo à l’image de l’indice de réactivité créé dans les années 1980 en médecine humaine, plutôt qu’en mesurant la quantité d’allergènes majeurs dans l’extrait(19).
L’avenir le dira : puissance de feu des allergènes recombinants ou efficacité d’allergènes totaux enrichis et standardisés.
Espérons toutefois qu’un jour seront publiées des études moins timides que celle-ci. En effet, le nombre de chiens atopiques à tests positifs était tristement faible : 8 ! Avec un tel cheptel on ne peut tirer aucune conclusion en dehors de la nécessité d’études à plus grande échelle…
Vitesse de réponse aux régimes hypoallergéniques
Il est rare de trouver des études de grande ampleur sur l'allergie alimentaire spontanée chez le chien, tant il s'agit d'une affection dont le diagnostic définitif est délicat. Une étude japonaise récente faite sur 46 chiens présentant une intolérance alimentaire à manifestation cutanée permet de répondre à une question dont la réponse est très floue dans la littérature à savoir le délai de réponse lors du régime de provocation(20). Bien que les rechutes observées ne soient jamais des réactions de type anaphylactique (urticaire, angiœdème), celles-ci sont observées en moyenne très rapidement: dans les 3 à 6 heures dans un quart des cas, 60% dans la demi-journée.
Ces signes précoces sont le plus souvent un prurit podal intense (plus de la moitié des cas), la face étant concernée dans un quart des cas. Outre ces données tout-à-fait nouvelles par leur précision, cette étude met en lumière un patron de localisation du prurit qui mime parfaitement la DA, mais avec une nette prédominance de l'atteinte des membres, ce qui est là aussi un élément assez nouveau. Il faut comme toujours nuancer ces résultats et ne pas forcément imaginer les calquer à notre pratique quotidienne, tant le bagage génétique des animaux est variable selon les pays. Ainsi dans cette étude les caniches nains sont surreprésentés, alors que cette race n'est pour ainsi dire jamais vue en consultation de dermatologie référée ou pour le moins beaucoup moins souvent que nos bouledogues, Jack et autres staffies.
Prise en charge combinée
Dans plusieurs études l’association de soins émollients ou de dermocorticoïdes permet de diminuer les prises de traitements systémiques (21, 22).
L’ICADA a publié un système de suivi score de consommation médicamenteuse qui permet de bénéficier d’un nouvel outil de suivi du traitement au long cours de la dermatite atopique(23). Il reste toutefois largement perfectible certains options thérapeutiques fréquentes n’ayant pas été prises en compte.
Topiques
Parmi tous les traitements proactifs qui ont significativement amélioré la prise en charge de la dermatite atopique canine, figure l’administration de topiques corticoïdes dans les oreilles en dehors des poussées d’otite. Certains propriétaires sont préoccupés par une telle prescription, tant par corticophobie primaire, que par crainte d’effets indésirables locaux ou généraux (ou encore plus souvent dans le déni de la nécessité de soins pérennes). Une étude montre que l’administration deux fois par semaine d’un corticoïde puissant (fluorate de mométasone) dans des oreilles saines de chiens sains n’engendre pas de variations significatives de la flore microbienne (bactérienne ou fongique) (24). Même l’aspect macroscopique des méats est identique entre les conduits traités et non traités. Cette étude a été faite sur un mois seulement, ce qui est assez court pour conclure à une parfaite innocuité pour un traitement pérenne. Toutefois, les résultats sont très encourageants et peuvent aider à convaincre des sceptiques.
- anti-infectieux et plis de la face chez les bouledogues (25)
- Shampooing et Malassezia(26)
Systémiques
- Oclacitinib (27)
- Ocla meilleur que les corticoïdes
- Lokivetmab(28)
- Durée d’action du Lokivetmab
- L’effet cannabis(29)
Interventions sur le microbiome
Un laboratoire californien surfe sur la vague du microbiote en proposant à la vente des capsules pour des greffes fécales (poo pills) pour les chiens ou les chats.
Faisant le pari de l’influence majeure du microbiote intestinal sur le développement de la dermatite atopique chez le chien, un auteur turc a testé ces pilules chez 8 chiens atopiques(30). Il a administré tous les jours pendant un mois deux pilules de selles de chiens sains de race et âge les plus proches possible des animaux testés (le laboratoire travaille avec un réseau de donneurs de caca, un peu comme une banque de sang, mais avec des étrons). Le recrutement des animaux a été assez complexe, étant donnée la nécessité de suivre des animaux n'ayant pas de traitement et n’ayant aucun antécédent de pyodermite ou de dermatite à Malassezia (sic). Il a , malgré de telles exigences, réussi à recruter 7 cas sévères et un cas modéré (NDT : en soit un tel exploit méritait une publication : 7 formes sévères sans aucune infection !). Tous les animaux ont vu leur état clinique s’améliorer très significativement au bout d’un mois de greffe fécale, la majorité ne se grattant plus du tout. La greffe fécale permettrait donc en un temps record de corriger le dysmicrobisme et la réaction dysimmunitaire. Finis les médicaments les aliments hypoallergénique ou à visée dermatologique, les traitements antipuces et les anti-IL31 : une pincée de caca bien choisie matin et soir et le tour est joué. Les résultats sont proprement stupéfiants, un peu comme une élection dans un pays totalitaire. A suivre, nous l'espérons, avec des témoins et plus d'animaux dans la saison 2 de poo pills for atopic dogs.
En Australie, c’esy une vétérinaire responsable d’une ecole de chiens guides qui a tenté cette approche à titre préventif chez 10 chiots âgés de 4 mois présentant des signes digestifs ou du prurit(31). A 18 mois tout le monde va bien, mais 6 d’entre eux ont présenté des signes de DAc. C’est pour le moins peu convaincant.
Diététique
L’alimentation est essentielle dans le traitement de fond de la dermatite atopique. Elle est souvent mise en avant soit par le prisme des allergies alimentaires, soit par celui des phobies du moment (aliment industriel, gluten, bio…).
Le plus important pour un chien atopique qui va partager toute sa vie avec sa maladie n’est pas de manger un aliment cru, préparé avec amour, avec des éléments bio, sans gluten ou fabriqué dans un pays qui donne confiance (Suisse, Canada, Allemagne). L’essentiel est qu’il soit équilibré et qu’il comporte des éléments qui agissent sur les deux piliers de la dermatite atopique : l’inflammation et la barrière cutanée.
Une étude de l’Université de Zürich faite pour le compte de Royal Canin vient d’en apporter une preuve assez spectaculaire(32). Des chiens atopiques ont été nourris (en double aveugle strict) avec un aliment classique ou avec ce même aliment enrichi en acides gras essentiels (omega 6 pour la barrière cutanée, omega 3 pour l’inflammation), en curcuminoïdes (anti-oxydants) et glycyrrhizine (extrait de réglisse, action anti-allergique).
Dans ce type d’étude, le critère le plus intéressant à suivre est le score de consommation médicamenteuse. En effet, les scores cliniques sur des animaux qui sont traités en permanence est peu pertinent. Ici, le score de consommation baisse significativement au bout de 3 mois et continue de décroitre de façon spectaculaire jusqu’au 9e mois. C’est donc à la fois un gain en terme de qualité de vie pour l’animal, mais aussi pour le propriétaire (moins de soins, plus faible coût de traitement).
Attention : ces études sont limitées aux cas de formes modérées de la maladie, il n’existe aucune donnée sur l’intérêt des interventions nutritionnelles dans les formes graves de la dermatite atopique canine.
Utiliser des aliments à base d’insectes d’élevage est une belle idée, très tendance, aux accents écoresponsables. D’autre part, les insectes sont des sources de protéines éloignées de ce que l’on imagine responsable le plus souvent d’allergie alimentaire chez le chien à savoir les viandes de mammifère ou de volaille. C’est probablement une fausse bonne idée comme le suggéraient récemment des études montrant l’existence de sensibilisations spontanées à la tropomyosine chez des chiens atopiques et comme vient de le montrer une élégante publication slovène étudiant les allergènes du ver de farine (larves de Tenebrio molitor) (33). Les auteurs ont étudié les sérums de chiens atopiques sensibilisés aux acariens (D. fariane, Tyrophagus sp et Acarus sp). Ils ont observé la reconnaisse par la majorité des sérums de ces chiens d’allergènes de cet insecte, dont 3 panallergènes connus : tropomyosine, alpha-amylase et Tm-E1 (protéine cuticulaire). Il est donc potentiellement possible que chez des chiens allergiques aux acariens domestiques le choix d’un aliment à base d’insectes soit un choix peu judicieux pour un régime d’éviction.
Traitements anti-infectieux
Les infections par des staphylocoques résistants sont une réelle préoccupation tant en terme de difficulté de traitement que de risque potentiel de transmission de résistance à l’humain ou aux congénères. Les équipes anglaises sont pionnières dans ce domaine et leur approche très rigoureuse est à la fois exemplaire et inquiétante, tant les mesures qui visent à contrôler ces infections semblent inapplicables à une vie normale avec son animal. Ainsi, une publication du Veterinary Record montre la grande fréquence de la contamination de l’environnement des chiens porteurs de germes MRSP (47%) et de leurs congénères (67%)(34). Cette même étude compare deux approches de tentative de contrôle de ces infections : nettoyage/désinfection de l’environnement avec ou sans soins antiseptiques sur l’animal porteur.
Les soins sur l’animal sont ceux recommandés couramment (en Grande Bretagne) chez les chiens ayant guéri d’une infection cutanée à MRSP :
• Shampooing chlorhexidine deux fois par semaine ;
• Application d’un collyre antibiotique (acide fusidique) deux fois par jour au niveau des narines, des paupières, de l’anus, du prépuce ou de la vulve.
Le traitement de l’environnement est lui encore plus contraignant :
• Grand ménage le premier jour, avec shampooing moquette etc… et lessive haut de Javel de tout ce qui peut le supporter, nettoyage et désinfection de tout le matériel de transport etc…
• Ménage aspirateur quotidien
• Nettoyage quotidien du sol et des surfaces hautes, de préférence avec un produit javellisé
• Nettoyage du couchage de l’animal deux fois par semaine à l’aide de produits javellisés
• Isolement de l’animal porteur dans une ou deux pièces
• Pas contact avec les autres animaux (pas de sortie en groupe ou de mise en gardiennage)
• Se laver les mains avant et après avoir touché le chien, mais aussi avant et après être entré dans sa pièce ou avoir manipulé des objets en contact avec lui.
Ces mesures ont permis en 3 semaines la disparition du portage chez la moitié des chiens traités et un tiers de ceux ne bénéficiant « que » des mesures hygiéniques à la maison.
Le traitements des chiens souffrant d’infections à MRSP ne s’arrête donc pas lorsque la rémission clinique est obtenue, il faut (à vie) prendre l’habitude de mesures hygiéniques s’approchant de celles décrites ci-dessus. Les soins sur l’animal sont moins cruciaux et ne doivent être envisagés que s’ils sont aisément réalisables (animal docile à poils courts). Enfin le COVID nous ayant aidé à prendre de meilleures habitudes d’hygiène en consultation, la grande fréquence des germes multirésistants doit nous inciter à poursuivre les mesures strictes de lavage des mains et de désinfections entre chaque consultation.
Qualité de vie et compliance
Cela semble évident, encore fallait il le prouver : plus les traitements sont complexes plus la charge de soins est importante ! C’est ce qui a été fait dans étude menée aux Etats-Unis chez 80 propriétaires de chiens atopiques (35). Tant la charge objective (temps passé à faire les soins et consulter) que subjective (ressentie par le propriétaire) est liée à la complexité du traitement. Elle aussi nettement liée à la gravité de l’atteinte. C’est une évidence, mais il faut la garder à l’esprit tant dans les formes modérées que graves de la maladie. En effet, dans cette étude, en tenant compte de la gravité de la maladie, le lien reste significatif entre charge de soins et complexité du traitement. Un traitement vécu comme un fardeau ne sera pas bien fait et impacte la qualité de vie des maitres et l’efficacité du traitement. Il est donc primordial de :
- ne pas prescrire les traitements inutiles ou inefficaces (soins locaux qui n’apportent pas d’amélioration, antihistaminiques, acides gras chez un animal ayant un aliment déjà enrichi, désensibilisation, etc)
- inclure systématiquement dans le recueil des commémoratifs les difficultés liées à l’observance du traitement
- effectuer un suivi intégrant un questionnaire de qualité de vie incluant celle des maitres.
Une étude américaine récente parue dans le JAAHA montre que lors d’otite chronique, le travail collaboratif vétérinaire spécialiste en dermatologie/vétérinaire référent augmente très significativement les chances de guérison, minimise la gravité et le nombre de rechutes et… le risque de perte de client pour le vétérinaire généraliste(36).
On enfonce là une porte ouverte, mais cela montre que les mentalités changent et que l’on ne réfère plus des otites au chirurgien, mais bien au dermatologue. En effet, il n’existe pas de spécialité ORL en médecine canine et la très grande majorité des problèmes d’otites chroniques relèvent de la dermatologie. Ainsi dans cette étude, la dermatite atopique est la cause de 94% des otites externes des chiens. On notera que la différence d’approche la plus notable entre spécialistes et généralistes est une plus grande fréquence du recours à un nettoyage complet sous anesthésie et à une corticothérapie systémique. Dans la pratique, référer un animal à un spécialiste pour la prise en charge d’une otite chronique va souvent au delà de cette seule variante de prise en charge. Elle est aussi dictée par :
- la nécessité du recours à l’imagerie en coupe (scanner, IRM) ;
- la nécessité d’une approche transversale avec avis de plusieurs spécialistes, notamment chez les brachycéphales : neurologue, algologue, dermatologue, chirurgien, voire oncologue ;
- la nécessité de prise en charge globale de la dermatite atopique.
Cette année n’aura pas été révolutionnaire, mais quelques vieux dogmes continuent d’être mis à mal et les préoccupations sur la qualité de vie et l’efficacité des traitements au long cours sont enfin mises en avant.
Faisons un souhait pour 2022 : que des allergènes standardisés à un prix raisonnable voient le jour et que des études au long cours stratifiées par race et par phénotype soient enfin faites.