La désensibilisation est aujourd’hui largement sous-prescrite en dermatologie. Les causes de ce désintérêt pour cette thérapeutique tiennent probablement à la fois à la complexité des protocoles
d’attaque, au flou qui règne sur les tests allergologiques et sur une efficacité perçue comme modeste par de nombreux confrères, sans parler de l’obsolescence inhérente à une technique empirique
vieille de plus d’un siècle.
La publication récente de bonnes pratiques thérapeutiques par la commission internationale sur la dermatite atopique canine (ICADA) insiste sur l’intérêt de ce traitement (1). C’est même, avec la
corticothérapie, la ciclosporine et le tacrolimus, un des rares traitements reconnus efficaces dans le traitement de la dermatite atopique canine (DAC).
Il est donc vraiment dommage aujourd’hui de négliger cette approche thérapeutique et ce d’autant plus que les protocoles sont aujourd’hui simplifiés (2).
Voici 5 raisons pour convaincre déçus et rétifs.
Seul traitement étiologique de la DAC
Toutes les avancées techniques faites dans le traitement de la DAC vont dans le sens d’un contrôle du prurit et des lésions, mais sans traitement de la cause allergique. Les seuls moyens de
prévenir une poussée allergique de façon spécifique sont aujourd’hui l’éviction allergénique et la désensibilisation(1, 3). L’éviction allergénique se fait d’abord par la mise en place de régimes
monoprotéiques ou à base d’hydrolysats. L’éviction des aéroallergènes est quant à elle beaucoup plus complexe et son efficacité sujette à controverses tant en médecine humaine que chez le chien
et est très difficile à mettre en place (4). Une seule étude ouverte montre l’intérêt d’une telle intervention chez des chiens atopiques, mais elle n’a pas été confirmée par des études
contrôlées(5). Lors d’allergie à des allergènes environnementaux comme des pollens ou des acariens de la poussière, seule une immunothérapie spécifique peut permettre le rétablissement d’une
tolérance et donc un contrôle durable de l’allergie.
Réponse à l’attente des maîtres
Lorsque l’on effectue un diagnostic de dermatite atopique, force est de présenter (au moins partiellement) la maladie comme une maladie allergique. Dès lors, le propriétaire de l’animal est
désireux de savoir ce à quoi son animal est allergique et s’il existe un moyen de contrôler cette allergie. Les tests allergologiques permettent de répondre à la première interrogation. La
désensibilisation est la suite logique et est acceptée voire même demandée par un propriétaire soucieux d’offrir toutes les possibilités thérapeutiques à un animal qui souffre et fait parfois de
leur quotidien un vrai cauchemar.
Fil rouge pour la mise en place du suivi
La désensibilisation est un traitement long, pour ne pas dire pérenne. Elle nécessite donc des visites régulières pour vérifier la bonne observance de sa prescription. Or ces visites régulières
sont un des éléments essentiels de la réussite du traitement d’une dermatite atopique. En effet, le traitement de fond fait appel à des mesures hygiéniques qui sont parfois négligées, ce qui peut
être à l’origine de poussées : traitement antiparasitaire, shampooings émollients, nettoyages auriculaires… En imposant des visites régulières pour le suivi de la désensibilisation, on peut
contrôler et adapter le traitement de fond et à chaque fois un peu plus former et motiver les artisans de ces soins.
Efficacité
L’efficacité de la désensibilisation peut s’apprécier de différentes façons : satisfaction du propriétaire, disparition des signes cliniques, moindre gravité des signes cliniques, espacement
des poussées, diminution de la consommation médicamenteuse. Les cas de guérison totale sont peu fréquents, il est donc essentiel de présenter la désensibilisation comme un outil permettant
d’espacer les crises ou de consommer moins de médicaments. Il faut en début de traitement fixer un but accessible. Il peut s’agir par exemple de ne plus avoir à effectuer des traitements
anti-infectieux par voie générale après un an de traitement ou bien de ne plus avoir que des localisations restreintes comme les doigts et la face chez un animal présentant initialement des
lésions sur l’ensemble du corps. Avec des protocoles simplifiés et un suivi tous les 3 mois la première année par exemple, 80% des animaux n’ont plus besoin que de soins topiques (2).
Coût raisonnable
Aujourd’hui, le coût du traitement est un des freins les plus importants à la bonne observance au long cours des traitements de la DAC, qu’il s’agisse d’immunomodulateurs, de soins topiques
(shampooings, spot-on, sprays, préparations auriculaires…), de traitement anti-parasitaires ou anti-infectieux. Aux Etats-Unis les traitements de désensibilisation sont chers et représentent une
option thérapeutique plus onéreuse que la ciclosporine. En Europe, les allergènes, issus de la médecine humaine pour la plupart, sont vendus à un prix raisonnable qui fait de la désensibilisation
le traitement le moins onéreux de la dermatite atopique.
Si l’on utilise des tests allergologiques de bonne spécificité, on peut choisir aisément une désensibilisation efficace. Toutefois, comme tous les traitements de la DAC, elle est rarement
efficace seule et doit être associée selon les cas à d’autre mesures préventives ou thérapeutiques
Références
1. Olivry T, Deboer DJ, Favrot C, Jackson HA, Mueller RS, Nuttall T, et al. Treatment of canine atopic dermatitis: 2010 clinical practice guidelines from the International Task
Force on Canine Atopic Dermatitis. Vet Dermatol. 2010 Apr 23;21(3):233-48.
2. Mueller RS, Shipstone MA. Novel forms of immunotherapy for allergic diseases. In: DeBoer DJ, Affolter VK, Hill PB, editors. Adavances in Veterinary Dermatology, Volume 6.
Oxford: Wiley-Blackwell; 2010. p. 388-93.
3. Olivry T, Foster AP, Mueller RS, McEwan NA, Chesney C, Williams HC. Interventions for atopic dermatitis in dogs: a systematic review of randomized controlled trials. Vet
Dermatol. 2010 Feb;21(1):4-22.
4. Prélaud P. Allergologie canine. Paris: Masson-PMCAC; 2008.
5. Swinnen C, Vroom M. The clinical effect of environmental control of house dust mites in 60 house dust mite-sensitive dogs. Veterinary Dermatology. 2004;15(1):31-6.
6. Akdis M, Akdis CA. Mechanisms of allergen-specific immunotherapy. J Allergy Clin Immunol. 2007 Apr;119(4):780-91.
7. Esch RE. Allergen immunotherapy: what can and cannot be mixed? J Allergy Clin Immunol. 2008 Sep;122(3):659-60.